mercredi 6 mars 2013

Dans le brouillard du digital et du social media

DSC_0378 

Le brouillard dont il est question, c'est la froideur de l'économie, la réduction des perspectives, la baisse du moral des troupes, confrontés à la braise, à l'hystérie collective, à l'engouement pour le digital et le social media : tout le monde veut en faire, tout le monde prétend savoir en faire, tout le monde est expert.
Il y a également ce sentiment de brouillard dans la difficulté d'exprimer une méthode absolue valable pour toute entreprise. La plupart des statistiques et repères sont très vagues ou trop californiens, et donc d'une certaine manière, tout est à refaire, tout est possible, tout vous appartient... Sauf si cela appartient déjà à Facebook, Google, Twitter et quelques autres prédateurs ayant confisqué toute diversité.
Enfin, dans le brouillard, il y a cette notion de mutation et d'incertitude. Qu'allons-nous devenir ? Allons-nous survivre ? Comment lutter ?
Le print, la télévision et la radio sont forcément influencés par le digital et le social media, nouveaux eldorados en terme d'audience et de potentiel business, mais surtout eldorados de la branchitude. Or, dans ce nouveau territoire d'expression, les bonnes vieilles méthodes de l'audiovisuel vont-elles fonctionner ? Toute une chaîne de prestataires sont remis en question et se sentent obligés de montrer leur volonté de s'adapter. Il y a des mutations spontanées, une multiplication des petits pains sous forme d'agences digitales expertes. Mais le propre du digital et du social media, c'est d'avoir tendance à supprimer les intermédiaires. Et dans le Darwinisme, ce sont les plus adaptés et par extension, les plus compétents qui survivent.

Enigme
La grande énigme est selon moi : en quoi le digital peut changer les choses, accompagner un changement global de société, à une amélioration radicale d'une qualité de service, à une remise en valeur du bon sens ou à une réhabilitation du vivre ensemble. En quoi le digital est une mutation profonde permettant de tourner la page d'un certain modèle qui ne fonctionne plus. En quoi le digital peut créer un dynamisme socio-économique, une agilité saine et durable. Car, sans se poser cette question, le digital serait une déviance comme une autre, déviance de masse, gigantesque territoire d'expérimentation, certes, de business juteux pour quelques rentiers bien placés, mais essentiellement de stagnation, dans le sens que rien ne changera vraiment, si ce n'est pour empirer. Ce ne serait qu'un prolongement de ce qu'est la télévision, une machine à abrutir pour consommer plus. Une machine à aggraver la virtualisation de notre économie, et sa volatilité.

Faciliter les facilitateurs
En dehors de toute sensibilité politique, en quoi un gouvernement peut créer les conditions d'une vraie croissance digitale, ou en tous cas faciliter ce que je nommerais le Digital Durable, et le Social Media Durable. L'équipement en haut débit ou en très haut débit est un peu hors sujet, car ce n'est pas de vitesse qu'il s'agit. Si les marques deviennent des facilitateurs d'expériences cool, en quoi l'état peut distinguer, encourager et récompenser les initiatives et applications responsables, que ce soit au titre de l'économie d'énergie, de l'économie locale, de la réduction carbone, de la création d'emploi, du bénévolat etc.
Un autre point, dans l'intervention de l’État, c'est sa capacité de répondre au non-droit. Le non-droit c'est les règles imposées de force par des acteurs mondiaux portant atteinte aux personnes ou aux entreprises, la banalisation de solutions favorisant toujours plus d'économie clandestine, l'importation illégale ou l'évasion fiscale. Comment l’État peut poser des limites ? L'exemple de la Chine et de sa grande muraille électronique est très bien exposé ici, et sans tomber dans leurs excès, c'est une source d'inspiration. http://www.techinasia.com/great-firewall-china-works-infographic/ Pas besoin d'être docteur en mathématique pour imaginer le préjudice de Google, eBay, Paypal en terme d'argent évaporé du système. Et par conséquent, le levier d'une coupure totale pour que ces sociétés changent de ton sur notre territoire.
Dans un autre registre, il faudra un jour mettre un terme à une exploitation toujours plus anarchique des données personnelles. A tous ceux qui s’enthousiasment du big data, il serait intéressant déjà de faire le point avec ce qui est légitimement et éthiquement exploitable dans ces données que l'on collecte toujours plus. Là encore l’État devrait mettre en place des juridictions un peu plus actives et répressives pour faire du digital un lieu civilisé, où le bien et le mal existent et sont clairement désignés. 
Comme l'affirmait récemment un grand ponte du MIT, il y a un risque que notre société à force de remplacer les humains par des machines, crée une exclusion au lieu de créer des opportunités. A ce titre, il n'y a point d'étude, et pour cause, point de commanditaire, sur le nombre de personnes qui avaient internet et qui n'en ont plus, idem pour paypal, visa, les smartphones, les ordinateurs, les profils sociaux et autres signes extérieurs de e-richesse. Et quid des personnes qui avaient la télévision et qui ne l'ont plus ?

Consensus
Après le communisme, le capitalisme, son offre et sa demande, les contre-pouvoirs actuels des réseaux sociaux, tous relatifs qu'ils soient, créent les prémices de ce que j'appellerais une économie de consensus, chaque parti en présence, l'entreprise, le consommateur et l’État ayant tout intérêt à trouver un terrain d'entente. Car dans le cas contraire, les réseaux sociaux vont être un instrument de fracture sociale, de rejet, de défiance, d'instabilité et d'impossibilité de croissance durable.

Se positionner
Toute entreprise devrait se poser la question d'une nouvelle politique digitale, unifiant sa communication RP, RH, CRM, publicitaire et corporate, sans créer non plus une bulle spéculative atour de l'attente d'un miracle (à méditer le délirium de la convergence et les conséquences pour Vivendi il fut un temps). Il faut proposer quelque chose et s'y tenir. Il y a cette notion de nouveau positionnement, de mettre en avant des valeurs et un savoir-faire, si possible authentiques, car le discours léger a ses limites à l'époque de la spontanéité sociale. Chaque entreprise est unique et il n'y a pas d'obligation. Twitter ou Pinterest, sans parler de Facebook, ce ne sont que des options, quand Linkedin ou Viadéo semblent plus crédibles dans la logique professionnelle. Comme les compétences sont généralement réparties à différents échelons de l'organigramme et de manière transversale, il semble logique que l'entreprise distribue la prise de parole et l'implication digitale ou social media entre différentes spécialités et métiers, plutôt que d'instituer un community manager. Le PDG, la RH, tel ou tel chef de produit, tel responsable technique ou responsable R&D peuvent servir la prise de parole d'une société et montrer sa compétence comme son humanité. Des outils existent pour partager cette prise de responsabilité, planifier les éléments postés, et créer un processus de validation, pour que cette prise de parole ne soit pas trop désorganisée. Il faut valoriser les compétences transversales et créer une dynamique collective.

Mais au fait, qui fait quoi ?
Produire du digital requiert des spécialités qui ne changent pas radicalement. Elles s'affinent juste un peu plus même si on est loin d'une professionnalisation et d'une officialisation totale du secteur.
- Conseil en planning stratégique 
- Budgétisation et planification
- Etude de faisabilité
- Rédacteurs créatifs ou techniques, architectes de l'information
- Graphistes, ergonomes et webdesigner
- Producteurs de contenus rich media, vidéo, photo, son, story telling
- Intégrateur HTML, avec le HTML 5 et le responsive design qui montent en puissance pour cibler les tablettes et smartphones.
- Développeur et animateur Flash
- Développeur back office, le plus souvent PHP, parfois Python ou Ruby on Rails.
- Développeur spécialisé (facebook APIs, mobile natif)
- Ingénierie statistique
- Une gestion de projet à la fois très structurée mais agile, avec parfois plusieurs collaborateurs se partageant cette tâche, une plus dans le fonctionnel, l'autre plus dans le technique.
- Expertise juridique et réglementaire
- Ingénierie multilingue
- Une infrastructure de diffusion multi-device à haute disponibilité
Si vous ne retrouvez pas ces différentes compétences chez un prestataire ou une agence digitale, est-ce véritablement un bon partenaire ?
Plus globalement, il y a une tendance à la fusion de certaines spécialités. L'exemple le plus courant sont les graphistes deviennent développeurs ou plasticiens du digital. Cette fusion n'est pas seulement une économie financière, comme certains le verraient, mais une réelle plus-value car avoir un développeur et l’œil d'un graphiste dans une même ressource s'avère très précieux. Nombre d'entre vous se sentent capables de faire ou de participer aux missions décrites précédemment. La polyvalence est aussi un signe fort de notre temps. Dans cette même dynamique, plutôt que d'avoir des réunions et des mails sans fin dans un processus de production procédural, il est parfois plus judicieux de créer des ateliers pluridisciplinaires où la diversité des compétences et des sensibilités crée une vraie plus-value, par opposition à des services très cloisonnés.

La revanche des ingés
De mon point de vue, la filière la plus crédible pour chapeauter des projets digitaux et social media sont les ingénieurs média (ingémédia). Les fonctions de chef de projet sont trop souvent occupées par des commerciaux juniors issus de grandes écoles de commerce, qui n'ont pas de formation adaptée, ni sur le plan technique, ni sur la gestion de projet..., pourtant un vrai métier.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gestion_de_projet 
De ce fait, la mauvaise gestion de projet est la source d'un gaspillage énorme de temps pour de multiples ressources et surtout le gaspillage de jeunes diplômés qui se voient cantonnés à des tâches ingrates au sortir d'une grande école.

Le community manager, petite starlette fourre-tout du buzz et du recrutement volage, que je préfère appeler porte-parole, webmestre ou modérateur, n'est pas un vrai métier. C'est une fonction que toute personne peut assurer dans un certain contexte. Un ingénieur, un juriste, un développeur, un énarque, un stagiaire. Il faudra parfois une immense culture générale, parfois parler 5 langues, ou avoir des talents d'entertainer, mais parfois juste poster un message par semaine pour célébrer tel ou tel jour férié ou annoncer un produit en promotion.

Authentique attitude
Pour conclure, dans le brouillard que j'évoquais, il faut plus que jamais savoir qui on est, par rapport à qui d'autre, et se positionner avec fermeté et cohérence, avoir une vraie identité digitale et sociale. Cette réflexion passe par les spécialistes du conseil, mais aussi en interne, en associant tous les acteurs contribuant à la valeur de l'entreprise. Si on pense au dispositif ou à l'état d'esprit, il ne faut pas hésiter à s'ancrer dans la vie réelle, l'observation sociale, créer des événements, revenir à la simplicité du partage, de l'émotion et du dialogue. Cela passera par le brand content, l'événementiel participatif, et une sélection de réseaux sociaux que vous saurez identifier comme pertinents. Idem pour votre communication interne ou encore votre manière d'accueillir de nouvelles recrues. 
Au final, plus votre postulat sera généreux dans les intentions, plus le feedback social sera positif et durable. Mais pour mettre un bémol à cette hystérie du digital, la conversation n'est pas toujours nécessaire, surtout si le contenu reste superficiel, presque jetable. Un bon produit, un bon service, un prix compétitif, cela se passe de commentaire parfois... et un ange passe.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire